Jeudi dernier, je suis allée à la conférence d’Art Speaks, une organisation qui ‘’a pour mandat de présenter une plateforme d’artistes et d’experts d’envergure internationale dont la vision suscite la réflexion.’’ Elle avait lieu au musée d’Art Contemporain de Montréal où ils recevaient madame Thelma Golden, la directrice et commissaire en chef du Studio Museum in Harlem à New York, un musée qui présente spécifiquement l’art d’artistes afro-américains ainsi que des œuvres venant des Caraïbes et d’Afrique.
C’était particulier de la voir à Montréal dans une de nos grandes institutions devant une salle pleine d’un public réceptif et majoritairement composé de personnes blanches ou elle expliquait que son musée diffuse ‘‘the art of black artists 24/7!’’, en ses mots.
J’ai trouvé beaucoup de similitudes entre ses opinions et celles que partagent des Montréalais, Québécois, Canadiens Afro-descendants tels que; la nécessité d’affirmer des opinions sociopolitiques en abordant des questions raciales et en affirmant des identités noires. Le Studio Museum in Harlem à une mission indéniablement pro-noire et l’assume pleinement. L’existence de cette institution fait écho à ce que représente la population. Par ses profonds, divers et importants partages, il contribue à une conversation de société ainsi qu’à définir l’identité nationale américaine.
Il est pratiquement impossible pour un.e personne noir.e (comme moi) d’assister à cette présentation sans faire un parallèle avec la présence Noire au Québec et au Canada.
Je trouve cette ouverture au discours de Mme. Golden ironique car, hors du contexte de cette conférence, un discours similaire tenu par des gens d’ici est considéré comme radical, communautariste, marginal et réservés aux activistes. À travers son travail de commissaire, Thelma Golden réitère la richesse culturelle et historique qu’apportent la diffusion d’oeuvres d’artistes noirs sans chercher à diluer leur travail, leur discours ou leur identité de quelques manière que ce soit.
Outre les vagues d’immigrations récentes qui sont documentés, la présence de noirs au Canada, dont des esclaves, n’est aucunement mentionnée dans nos cours d’histoires. Les noirs sont généralement perçu ici comme des immigrants et citoyens de seconde classe peu-importe nos statuts de citoyenneté.
Tandis que le tiers des montréalais.e.s est d’origine ethnique autre qu’euro-québécoise et que le dixième des gens de notre ville soit d’origine afro-descendante, le Montréal institutionnel et politique déploie un effort constant pour maintenir le portrait officiel de notre ville le plus blanc possible.
Au-delà de ce parallèle fort ironique, la présence de madame Golden était définitivement apaisante. L’entendre expliquer sa pratique en tant que de femme noire, mais surtout en tant que commissaire présentant de grandes expositions d’artistes afro-descendant dans un musée reconnu internationalement, réitère l’importance de démarches artistiques et de commissaires similaires. J’aurais aimé que beaucoup plus de gens entendent sa présentation car elle rejoignait sur plusieurs points beaucoup d’initiatives sociales et artistiques ainsi que des groupes de discussions et conférences faites par des noirs.
Durant la période de questionnement qui suivait, quelqu’un lui demandait de nous parler de sa démarche de commissaire avec les artistes pour en arriver à une exposition.
Elle expliquait que sa première étape étant d’aller à la rencontre des artistes dans leur studio pour discuter de leur processus créatif, les écouter afin d’en savoir plus. Ces échanges sont le point de départ pour savoir si il y aurait place à une collaboration. Un processus qui comme on peut le voir mène à de riches expositions ou les leurs œuvres et leur créateurs sont respectés.
Je vois depuis des années des appels de dossier aux artistes et on m’approche également souvent pour participer à des expositions qui ont au préalable un discours si précises que l’art en devient qu’accessoire. Il arrive souvent que la place des artistes soit carrément effacée car dans énormément d’exposition, les commissaires et organisateurs laissent peu de places à la réflexion que les artistes peuvent amener pour leurs propres œuvres.
Thelma Golden expliquait son processus qui en est tout l’inverse. Ce processus plus organique , permet aux artistes de vraiment exister et de contribuer à des discussions de société par leur oeuvres et leurs propres mots.
Je me demande parfois ce qui en résulterait, culturellement et historiquement si, le Canada avait son propre musée présentant l’art d’artistes afro-descendant ou même une section au musées des Beaux-Arts de Montréal ou encore tout simplement un nombre assez considérable pour le mentionner d’œuvres d'artistes noirs et canadiens dans sa collection permanente...
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